Errances

 

Prétextes

musique : Mark Hollis "Colour of spring"

Les photos d'un voyage en Bolivie, les textes entrelacés et la musique servent de prétexte les uns aux autres. Prétextes à des voyages musicaux, visuels et littéraires. Les textes ne vont pas avec les photos qui ne vont pas avec la musique. Et pourtant ils vont tous ensemble quand même. Si on veut.

Le sens ? il n'y a pas d'autre sens que celui de la vie qui passe… et qu'on essaie de rendre belle. Les histoires s'entrecroisent, les musiques se caressent, les images s'épanchent.

C'est l'âme qui s'épanouit dans les prétextes...

"And yet I'll gaze
the colour of spring..."

(Mark Hollis)

Flânerie où l'on peut prendre son temps. Ecouter les morceaux tranquillement en regardant les photos.
Ne plus écouter que la musique, en préparant un thé...

se décider ensuite à cliquer pour découvrir le texte ou le morceau suivant...

Il y a en tout trois heures de musiques. Depuis l'atmosphère envoutante, belle et suffocante de l'Altiplano, jusqu'au soleil d'Amazonie.



Le jardin était d'orangers, l'ombre bleue, des oiseaux pépiaient dans les branches. Le grand vaisseau, tous feux allumés, avançait lentement, entre ces rives silencieuses. Qu'est-ce que la couleur, se demanda celui qui venait de pousser la petite porte basse, dont le bois s'effritait, s'en allait par plaques après tant d'années, tant de pluies. Peut-être est-elle le signe que Dieu nous fait à travers le monde, parce que de ce vert à ce bleu ou à cet ocre un peu rouge c'est en somme comme une phrase mais qui n'a pas de sens, et qui donc se tait, comme lui ? Le bateau s'était arrêté, mieux visibles étaient maintenant toutes ces personnes qui allaient et venaient sur un des ponts, silhouettes noires au-dessus de petites flammes, dans des fumées. Mais le monde n'a pas de couleurs, comme on le croit si naïvement, se dit-il encore, c'est la couleur qui est, seule, et ses ombres à lui, lieux ou choses, ne sont que la façon qu'elle a de se nouer à soi seule, de s'inquiéter de soi, de chercher rivage. La nuit tombe, le jour se lève, mais c'est toujours le même bleu, parfois gris, ou le même rouge à travers les heures, n'est-ce pas ? Et quant aux mots !...

On descendait du bateau, déjà, des enfants, beaucoup d'enfants qui couraient en tous sens, riaient, puis une femme âgée, la tête ceinte de flammes, puis un vieillard au bras d'un jeune homme, vêtu de blanc. Et combien d'autres encore !

Mais lui, déjà, cet autre arrivant, ne regardait plus, qui avançait tout pensif dans le jardin des orangers, sur le sable.

Yves Bonnefoy, La vie errante


 

 

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